- HONNÊTE HOMME
- HONNÊTE HOMMEHONNÊTE HOMMEPresque tous les écrivains du XVIIe siècle ont dessiné, enrichi ou reproduit le portrait idéal de l’honnête homme. Socialement, ce dernier ne se conçoit guère sans une aisance propre à le libérer des travaux «mécaniques». Méré le verrait aussi bien vivre dans une cabane qu’à la cour: hypothèse hyperbolique qui marque le moment où le type a pris valeur absolue, mais qui ne correspond à aucune réalité admise. L’honnêteté condense les aspirations d’une société polie, solidement tenue par le pouvoir royal, où le courtisan se dépouille de toute ambition politique comme de toute rudesse militaire, où le bourgeois affiné se satisfait d’égaler sur le plan mondain l’aristocrate. Moraliser le courtisan, policer le sage indépendant: deux buts principaux du premier grand traité de L’Honnête Homme , par Faret (1630). «Homme poli et qui sait vivre» (Bussy), l’honnête homme a de plus en plus pour loi «d’exceller en tout ce qui regarde les agréments et les bienséances de la vie» (Méré), bref de plaire. Avant tout ne heurter personne, ni par un égoïsme découvert, ni par l’étalage de connaissances particulières: ne se piquer de rien (La Rochefoucauld), ne pas se raidir en pédant entiché d’une spécialité, car la «qualité universelle» (Pascal) est ce qui plaît dans l’homme. Elle préserve le naturel. «Un honnête homme, c’est un homme mêlé», disait déjà Montaigne. Assurément, point d’honnêteté sans droiture morale. Elle est même «le comble et le couronnement de toutes les vertus», elle suit presque les mêmes voies que la dévotion (Méré). Toutefois les vertus, de ce point de vue, se subordonnent aux bienséances. Du moins visent-elles à rendre heureux l’entourage. S’il fallait limer les saillies d’un moi conquérant, on glisserait dans un excès inverse en éteignant son animation. «Cette parfaite honnêteté demande que l’on se communique à la vie, et que même l’on s’y enfonce»; ou encore: «bien vivre et se communiquer de bonne grâce, par les discours et par les actions». Elle garde ainsi chez Méré quelque chaleur venue de son premier maître, Montaigne. Elle résume l’idéal de la communication dans une société qui croit atteindre un point d’équilibre et ne désire le maintenir que pour se perfectionner, plutôt que pour s’en glorifier béatement.
Encyclopédie Universelle. 2012.